L’œuvre scientifique de Pierre Cabanes est une contribution majeure à la connaissance de la Grèce des ethnè et des confins illyro-épirotes. À l’époque de ses premiers travaux qui confluent dans sa thèse publiée en 1976 intitulée L’Épire, de la mort de Pyrrhos à la conquête romaine (272-167), la Grèce nord-occidentale était une terra incognita dont l’intérêt scientifique fut révélé par d’autres pionniers comme N. G. L. Hammond, D. Évangélidis et S. I. Dakaris. Les travaux de Pierre Cabanes explorent une vaste région dont ils déconstruisent les supposées marginalité et arriération, principalement fondées sur un athénocentrisme antique et académique. Cette exploration est d’emblée un ample programme scientifique constitué d’enquêtes épigraphiques qui aboutissent à la publication des corpora par l’École française d’Athènes, de reconnaissances géographiques et topographiques qui établissent une géographie historique de l’Épire et de l’Illyrie méridionale, de mises en ordre chronologique des documents littéraires, épigraphiques et archéologiques qui donnent aux institutions et aux sociétés de ces régions une histoire à la fois singulière et exemplaire. La réflexion pleinement historienne de Pierre Cabanes sur le fédéralisme antique accompagna la construction européenne, ses travaux sur les femmes épirotes répondirent aux enjeux contemporains de l’émancipation féminine, son intérêt pour les groupes sociaux antiques les plus fragiles ne fut pas dû à une opportunité documentaire – les actes d’affranchissement de Bouthrôtos – mais à un humanisme chevillé au corps depuis sa jeunesse, et sa condamnation des discours ethnocentriques antiques fut fermement articulée à son refus du nationalisme barbare dont il a étudié les mécanismes coupables. Ce recueil réunit des textes dispersés, ici présentés par thèmes introduits par des élèves ou des collaborateurs proches de Pierre Cabanes.
Pierre Cabanes fut professeur d’histoire ancienne à l’université Clermont-Ferrand II, institution qu’il présida de 1977 à 1982, puis à l’université Paris X-Nanterre. Il fonda en 1992 la Mission épigraphique et archéologique française en Albanie, soutenue par l’Institut archéologique d’Albanie, le ministère des Affaires étrangères et les Écoles françaises d’Athènes et de Rome. Il dirigea les fouilles d’Apollonia d’Illyrie, dans la continuité des travaux de Léon Rey pendant l’entre-deux-guerres, et fut l’éditeur du Corpus des inscriptions grecques d’Illyrie méridionale et d’Épire.
François Quantin, ancien membre de l’École française de Rome, est directeur d’études à l’École pratique des hautes études (Ve section « Sciences religieuses ») et participe à la Mission archéologique albano-française d’Apollonia d’Illyrie depuis sa création.