Le déchiffrement, par Michael Ventris et John Chadwick, de l'écriture égéenne dite linéaire B et le développement ultérieur de la philologie mycénienne ont de nouveau attiré l'attention sur l'écriture syllabique qui est connue à Chypre du VIIe au IIIe· siècle avant notre ère. Dans l'île même, les découvertes archéologiques récentes ont enrichi d'une manière spectaculaire nos connaissances sur les écritures locales de l'âge du bronze appelées chypro-minoennes, en éclairant la perspective de l'histoire des écritures chypriotes.
Or on sait que les répertoires les plus complets des inscriptions grecques syllabiques de la période considérée datent de 1883 (Deecke) et 1891 (Hoffmann). Un projet de recueil consacré aux documents syllabiques et alphabétiques de Chypre pour les
IG, volume XV, n'a jamais pu aboutir. Un nouveau projet de Corpus présenté en 1952 par l'épigraphiste Terence B. Mitford ne paraît pas devoir être réalisé avant un certain temps.
Dans ces conditions, il y a place pour un recueil aussi complet que possible des inscriptions syllabiques, qui est présenté ici. On y trouvera non seulement les inscriptions syllabiques grecques, en dialecte chypriote, qui forment la grande majorité des textes, mais aussi les inscriptions syllabiques en langue inconnue, ou étéochypriotes, notamment les textes de la ville d'Amathonte. Ce recueil ne prétend pas représenter un Corpus. Les documents trop peu importants, ou en trop mauvais état, sont laissés de côté, ou bien signalés brièvement. En revanche, on a joint aux inscriptions les principales séries monétaires à légende syllabique. Chaque document est accompagné d'un commentaire plus ou moins détaillé, et parfois d'une traduction (ainsi pour la tablette d'Idalion). Une illustration aussi abondante que possible - dessins, et surtout planches de photographies - permet de contrôler les lectures, en donnant des vues d'ensemble de nombreux documents mal connus, ou même jamais reproduits.
Divers problèmes qui concernent directement l’épigraphie syllabique ont été traités en détail dans l’introduction : activité des archéologues ; origines du syllabaire et chronologie des inscriptions ; histoire du déchiffrement et étude des règles d’emploi de l’écriture, etc. ; enfin, problèmes historiques et linguistiques. Cependant, une étude nouvelle du dialecte chypriote n’a pu trouver place ici, et sera envisagée comme une suite à cet ouvrage.