Lorsque les mosaïques antiques furent découvertes dans les fouilles anciennes, dès le XVIIe s. en Italie, elles furent le plus souvent découpées et extraites de leur bâtiment d’origine. Les collectionneurs prisaient leurs panneaux figurés en tant que vestiges de la peinture antique, ou en ornaient le sol de leurs palais nouvellement construits. Dans les deux cas, on ne conservait que la partie déposée tandis que le reste laissé sur place était voué à la destruction plus ou moins rapide. De grandes collections de mosaïques se constituèrent jusque dans la première moitié du XXe s., dans les grands musées des capitales occidentales ainsi qu’à Carthage et à Antioche. Au contraire, les pavements de Délos, mis au jour dès les premières fouilles de la fin du XIXe s., ont été laissés sur place, seuls des fragments provenant de l’étage des maisons ont été déposés au musée. Par la suite, quelques très rares panneaux en danger sur le site ont été déposés et présentés au musée, mais ne sont pas sortis de l’île, comme certaines sculptures par exemple, conservées aujourd’hui au Musée national d’Athènes. Les mosaïques de Délos sont toutes conservées dans l’île et, dans la grande majorité des cas, à leur emplacement d’origine, préservé dans un environnement exceptionnel puisque l’île entière est un site archéologique protégé. Cette première caractéristique des mosaïques de Délos permet d’en faire l’étude au sein même de leur cadre architectural. Leur deuxième caractéristique tient au fait qu’elles sont à la fois nombreuses et dans leur quasi-totalité contemporaines car réalisées durant une période relativement brève, entre 130 et 68 av. J.-C. Elles constituent donc un ensemble unique pour l’étude de la mosaïque, comme pour celle du décor architectural d’époque hellénistique en association avec les peintures et les stucs des mêmes édifices.
Anne-Marie Guimier-Sorbets, professeur émérite à l’Université Paris Nanterre, rattachée à l’UMR ArScAn, équipe Archéologie du monde grec et systèmes d’information (Université Paris I, université Paris Nanterre, CNRS, Ministère de la Culture) est présidente de l’Association internationale d’étude de la mosaïque antique (AIEMA). Spécialiste du décor architectural, elle étudie les mosaïques, les peintures et le stuc, de Délos et d’Alexandrie.
When, from the seventeenth century onwards, antique mosaics were discovered in ancient excavations in Italy they were more often than not cut out and removed from the buildings where they were found. Collectors prized their figured panels as remains of antique painting, or they decorated the floors of their newly built palaces with them. In either case, only the part that was removed was conserved, while what remained in place was doomed to destruction sooner or later. Large collections of mosaics were compiled in the great museums of the western capitals and at Carthage and Antioch up until the first half of the twentieth century. By contrast, the pavements of Delos, unearthed at the time of the first excavations in the late nineteenth century, were left in place, with only fragments from the upper storeys of houses being deposited with the museum. Thereafter a few very rare panels in danger on the site were removed and presented to the museum, but they did not leave the island, unlike a number of sculptures, for example, now housed in the National Archaeological Museum of Athens. The mosaics of Delos are all preserved on the island and, in the great majority of cases, in their original location, maintained in an exceptional setting since the entire island is a protected archaeological site. This first distinguishing feature of the Delos mosaics means they can be studied within their proper architectural setting. Their second distinguishing feature is that they are many in number and almost all of them are contemporaneous having been produced over a comparatively short span of time between 130 and 68 BC. They therefore form a unique group both for the study of mosaics and, in conjunction with the paintings and stuccos of the same buildings, for the study of architectural decoration of Hellenistic times.
Anne-Marie Guimier-Sorbets is an emeritus professor at Paris Nanterre University and a member of the UMR ArScAn team on Archaeology of the Greek World and Information Systems (Paris I University, Paris Nanterre University, CNRS, Ministry of Culture). She is chair of the International Association for the Study of Ancient Mosaics (AIEMA). As a specialist of architectural ornament, she studies the mosaics, paintings and stucco of Delos and Alexandria.